« La bienveillance doit imprégner chaque manager» - Maryline Serafin, CFO d’Ethias

La bienveillance doit imprégner chaque manager

Maryline Serafin, CFO d'Ethias

Maryline, vous avez travaillé dans le secteur bancaire, et maintenant dans les assurances. Quelles sont pour vous les principales différences ?

Maryline Serafin :Là où une banque met à la disposition des particuliers et des entreprises des systèmes qui leur permettent de gérer leurs flux financiers, une compagnie d’assurance leur propose de protéger les personnes, les biens, notamment contre des risques imprévus. Cet élément de protection est sans doute ce qui distingue le plus les deux secteurs et qui donne vraiment du sens à notre action. Avec une dimension supplémentaire pour Ethias dans la mesure où nous sommes n°1 du secteur public, à qui nous apportons également une large protection.

A la FSMA, c’était un mix entre banques et assureurs…

Maryline Serafin :La FSMA avec la Banque Nationale de Belgique, est en charge du contrôle du secteur financier. Elle assure la protection des consommateurs de produits financiers et s’assure du fonctionnement intègre des marchés financiers. Le Corps central d’inspection contrôlait à l’époque, entre autres les banques, les compagnies d’assurance, les agents de change, les asset managers, les réviseurs pour le compte du CSR... Mais la mission première de la FSMA, c’est encore une fois de protéger le consommateur et c’est cette dimension qui faisait le plus de sens pour moi.

C’est donc ça qui a guidé votre évolution et votre choix pour le monde de l’assurance ? Ça a dû être un sacré changement ?

Maryline Serafin :Tous les parcours sont faits d’opportunités et c’était sans doute le bon moment pour moi. C’est en quelque sorte une suite logique et ça fait aussi écho à ma volonté de passer de l’autre de la barrière.

J’ai eu l’opportunité dans mon parcours, de pouvoir faire du contrôle interne et externe en ayant une expérience dans un cabinet d’audit, en audit interne dans une banque et ensuite, chez le régulateur, en tant que directrice du corps central d’inspection de la FSMA.

Ces trois expériences m’ont donné l’opportunité de voir une même réalité sous différents angles. Mais un dénominateur commun existe entre elles, c’est qu’en tant que contrôleur, on doit s’assurer du respect des normes ou des politiques internes avec rigueur mais aussi avec pragmatisme et bon sens. Quelle que soit la position occupée, j’ai toujours appliqué ces principes. Ainsi, à l’audit interne, j’ai toujours considéré qu’au-delà du role de contrôleur, nous pouvions apporter une plusvalue dans l’analyse des process et aider le business à se renforcer.

Comment s’est passée votre arrivée chez Ethias ?

Maryline Serafin :Très bien. Je l’ai très bien vécue, notamment par l’accueil chaleureux qui m’a été réservé par les collègues d’Ethias qui ont un sens de l’accueil hors du commun. D’un autre côté, ce changement était aussi une forme de continuité puisqu’il m’a permis de prolonger ce rôle de contrôleur que je connais bien et d’accéder ensuite au rôle de staff du CEO, avec une vue transversale sur les process, le suivi de tous les projets stratégiques et la partie financière. Cette dernière fonction m’a aussi permis de sortir de ma zone de confort.

Plus que sortir de votre zone de confort, c’est aussi une nouvelle expertise, non ?

Maryline Serafin :J’ai en effet été confrontée à un nouveau rôle même si, quelque part, suivre des projets stratégiques, c’est aussi une forme de contrôle. Mais, j’ai surtout été un enabler dans les relations entre les personnes, c’est-à-dire mettre de l’huile dans les rouages, détecter ce qui ne va pas et apporter des solutions.

Comment avez-vous vu évoluer le rôle d’auditeur et de CFO ?

Maryline Serafin :Ce qui a contribué à faire évoluer ces fonctions et les entreprises financières de manière générale, ce sont les avancées technologiques, le renforcement du cadre réglementaire qui a nécessité que les personnes qui exercent ces fonctions les maitrisent.

Un autre aspect important, c’est l’environnement économique parfois instable que nous connaissons, avec l’inflation, les taux bas, etc. Tout cela demande une faculté d’adaptation et d’anticipation énorme. Et pour les assurances, on voit aujourd’hui apparaître des risques dont on ne parlait pas il y a 20 ans ou même 10 ou 5 ans.

Le rôle de CFO a considérablement évolué, passant de responsable de l’établissement des états financiers à un rôle plus stratégique. En ce sens, le CFO doit aujourd’hui mettre en place des outils permettant de piloter l’entreprise de manière plus dynamique et agile. Il a aussi un rôle clé dans les orientations que peut prendre l’entreprise et un rôle de moteur en termes de recherche de solutions, d’actions de mitigation lorsqu’on dévie de l’objectif. Ensuite, en maitrisant les coûts, le CFO doit être une femme ou un homme de chiffres mais aussi de process, proche de toutes les fonctions de l’entreprise et partie prenante dans sa transformation, le cas échéant. D’ailleurs, une des grandes richesses de la fonction de CFO, c’est le partenariat avec le business, qu’il faut cultiver pour bien capter au bon moment les informations qui permettent un pilotage beaucoup plus précis.

Aujourd’hui, le CFO doit aussi communiquer avec tous les stakeholders, que ce soit son comité de direction, son CEO, tous les organes, le comité d’audit, le conseil d’administration et leur expliquer une situation de manière claire et adéquate.

Quels sont selon vous les principaux défis de votre fonction ?

Maryline Serafin :Encore une fois, c’est un environnement de gestion qui devient de plus en plus complexe en raison de l’évolution technologique, du cadre réglementaire mais aussi de la technicité. Mais un défi que je voudrais citer en particulier, c’est la pénurie de talents.On parle toujours digitalisation, automatisation, etc. mais derrière chaque projet, il faut toujours des hommes et des femmes compétents. La crise covid représente un risque supplémentaire parce qu’elle a eu beaucoup d’impact sur les jeunes, nos futurs talents. Il s’agira donc de leur redonner confiance, eux à qui on a demandé beaucoup d’efforts ces derniers temps.

Est-ce que la pandémie n’a pas aussi changé la mentalité du personnel ?

Maryline Serafin :Dès le début de la pandémie, nous avons mis en place un plan en quatre phases qui mettaient en oeuvre des actions spécifiques pour protéger nos collaborateurs, nos assurés, l’entreprise, et la société en général. Le volet « protection des collaborateurs » est un volet important dans lequel nous avons investi beaucoup de temps pour garder le contact avec nos collègues et éviter qu’ils ne souffrent de cet « isolement » professionnel. On a mis en place des initiatives pour identifier les personnes en détresse et leur proposer de l’aide via un soutien psychologique par exemple. On a aussi été sensibilisés en tant que managers au fait qu’il fallait garder le lien avec ses collaborateurs. Et je pense que le pari est réussi. Tout le monde était sur le pont lors des inondations par exemple. Mais ce qui est sûr, c’est que cette crise a remis en question nos croyances d’invincibilité, on sait aujourd’hui qu’on doit être attentif à ce genre de risques.

Vous venez de commencer en tant que CFO, mais avez-vous déjà une idée de la manière don’t vous allez l’aborder, en fonction peut-être de votre vécu ?

Maryline Serafin :C’est clair que cette function représente une grande opportunité mais aussi un énorme défi et je dois remercier Philippe Lallemand et le conseil d’administration pour leur confiance. C’est une très grande responsabilité et un rôle-clé pour l’entreprise. J’en suis bien consciente, mais je suis soutenue par une équipe formidable. D’une manière générale, j’aborde cette fonction avec beaucoup d’énergie et des valeurs qui ont toujours été importantes pour moi, comme l’exigence, la bienveillance et le respect, dans un esprit d’équipe fort.

Ethias est en partie aux mains de l'État belge. Cela influence-t-il votre travail de CFO ?

Maryline Serafin :Pas vraiment. Par contre, le fait d’avoir l’Etat Fédéral, les régions et les collectivités locales via EthiasCo comme actionnaires me motive plus parce que quelque part, les dividendes qu’on remonte à nos actionnaires servent à financer des projets qui profitent à la société. C’est tout à fait en lien avec le rôle sociétal très fort d’Ethias et cela a un sens pour moi.

En parlant dividendes, les résultats en 2020 ontété bons et 2021 semble confirmer la tendance. Votre rating a aussi été revu à la hausse l'année dernière et votre CEO a déclaré qu’Ethias avait emprunté durablement la voie du succès. Qu’en pensez-vous ?

Maryline Serafin :Je pense que depuis cinq ans, Ethias connaît effectivement pas mal de succès avec une augmentation de rating, la distribution de dividendes et aussi, d’une manière générale, beaucoup d’innovations, de projets… Ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat d’une stratégie ambitieuse et très claire pour tout le monde.

De quoi êtes-vous la plus fière jusqu’à présent, chez Ethias ou ailleurs ?

Maryline Serafin :Comme je vous l’ai dit, une de mes valeurs est l’exigence. Je me dis donc toujours que je peux faire mieux et c’est difficile d’isoler un événement. Par contre, j’ai commencé à travailler en 1998 et j’ai exercé depuis différentes fonctions qui m’ont toutes appris quelque chose.C’est vraiment un point important pour moi. Le jour où j’arrêterai d’apprendre, c’est qu’il y aura quelque chose qui ne va plus.

Un autre élément très important à mes yeux, c’est la relation humaine avec les équipes. C’est encore un peu tôt pour le dire ici, mais partout où je suis passée, on a toujours formé des équipes où il régnait un fort esprit d’équipe, comme une grande famille. Et je pense que je leur ai laissé quelque chose, au moins de bons souvenirs d’équipe mais j’espère des valeurs aussi, comme le respect des autres, la bienveillance, le professionnalisme …

A titre personnel, je suis très fière de mes deux filles, Juliette et Lola. Pour une femme, le role de maman, c’est le rôle de notre vie. Ce n’est pas toujours facile, même si elles sont très gentilles, j’ai de la chance. Pour moi c’est important aussi de garder cet équilibre parce que c’est quelque chose qui nous aide à prendre du recul.

Pour en revenir à votre nouvelle fonction de CFO, est-ce qu’il y certaines choses que vous aimeriez déjà changer ou améliorer ?

Maryline Serafin :On a déjà entamé un processus de renforcement du pilotage via un reporting plus clair pour un suivi quantitatif beaucoup plus lisible, quels que soient les stakeholders.

On va aussi ajouter une dimension qualitative au reporting pour obtenir un regard à 360°. Donc suivre les KPI qui vont encore être élargis et évoluer en fonction de la maturité de certains process. Et il y a aussi la dimension plus qualitative de satisfaction client qu’on voudrait renforcer encore.

Et si je dois faire un pont entre les fonctions que j’ai exercées, j’aimerais apporter mon expertise d’évaluation des process pour trouver les bonnes actions à mettre en place pour atteindre encore mieux et plus vite les objectifs.

Vous parliez tout à l’heure des inondations. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’approche de votre compagnie lors de ces événements ?

Maryline Serafin :La première chose a été de mettre en place une ligne téléphonique pour être accessible, mais nous avons aussi été rapidement sur le terrain avec des bus connectés où les sinistrés pouvaient venir remplir leur dossier et chercher un peu de réconfort, boire un café, etc.

On a aussi pris pas mal d’initiatives pour aider les sinistrés, comme un soutien psychologique gratuit, la distribution de repas, la mise à disposition de déshumidificateurs…

Au niveau du traitement des dossiers proprement dit, on a vite constaté que ça coinçait au niveau des expertises et on a donc mis toute une série d’actions en place pour essayer d’accélérer le processus. Nos équipes ont été renforcées pour accélérer le traitement. Je tiens d’ailleurs à les remercier pour leur motivation.

On a essayé autant que possible d’être aux côtés de nos assurés, puisqu’on a rapidement fait des versements et aujourd’hui, près de 90 % des expertises ont été clôturées pour les particuliers qui ont donc pu être indemnisés. Nous continuons à être présents sur le terrain notamment, auprès des collectivités auxquelles Ethias a déjà verse plusieurs dizaines de millions pour qu’elles puissent avancer dans la reconstruction. Cela a été une grande expérience. Moi qui suis allée sur place à Trooz lors de la distribution de repas, je peux vous dire cela m’a beaucoup marquée.

Comment voyez-vous le secteur des assurances évoluer ces prochaines années ?

Maryline Serafin :L’évolution technologique ces dix dernières années est impressionnante et je pense qu’elle va encore influencer grandement l’évolution dans le secteur. Mais il y a aussi l’évolution de certains risques. Quand on voit les risques climatiques, les cyber risques, les risques de pandémie… ce n’est plus de la théorie et cela doit faire évoluer le secteur en termes de créativité pour trouver les nouvelles protections pour nos clients, mais aussi en termes de gestion tout court car toutes ces évolutions bousculent le modèle qui était valable il y a quelques années. Ces inondations par exemple, ont démontré qu’un acteur, que ce soit l’état ou les assureurs, ne peut assurer seul la gestion de telles catastrophes. Il faut donc mettre en place un système où tous les stakeholders se retrouvent ensemble pour faire face à un évènement majeur.

Vous avez évoqué la pénurie de talents.Quelles sont selon vous les caractéristiques que doit avoir un profil financier aujourd'hui dans le secteur des assurances ?

Maryline Serafin :Aujourd’hui, un profil financier doit sortir du pur quantitatif et avoir une vue sur tout ce qui est process pour pouvoir garantir la mise en oeuvre d’une stratégie. C’est aussi une personne qui doit communiquer avec les différents stakeholders de manière claire et adéquate et assurer à son comité de direction que les métriques financières soient suffisamment solides pour mettre en place les différents projets. Elle doit aussi accompagner la réflexion stratégique et il y a également un rôle, pour les managers de manière générale, qui consiste à mobiliser les équipes autour d’un objectif commun qui doit nécessairement être l’intérêt de l’entreprise.

Enfin, et ces dernières années l’ont clairement démontré, un manager doit être un manager de crise, capable de rebondir et de trouver des solutions dans n’importe quelle situation. Il faut qu’il puisse démontrer que les solutions qu’il propose sont efficaces et pragmatiques.

Ce qui nous ramène à votre pragmatisme…

Maryline Serafin :Oui, il faut être pragmatique et garder à l’esprit qu’aujourd’hui, on gère de la technique, mais aussi des personnes qui doivent, pour bien travailler, se sentir bien. Donc quelque part, la bienveillance, c’est quelque chose qui doit imprégner chaque manager. C’est un grand facteur de réussite dans une équipe.

Peut-on parler dans ce cas de « touche féminine » ?

Maryline Serafin :Il y a sans doute une touche féminine qui existe, mais aujourd’hui, je pense que les managers doivent développer ces caractéristiques quel que soit leur genre.

Après, je trouve qu’une équipe se gère un peu comme une famille et c’est peut-être ça ce côté sensible qu’on a, ce côté maternant. Donc oui, il y a sans doute une sensibilité qui est là et qui nous caractérise. Quand je vois l’évolution du management aujourd’hui, on est aussi beaucoup plus dans le management collaboratif. En tout cas, les jeunes nous poussent dans cette voie. Ils sont très sélectifs dans leur manière de choisir leur emploi où des critères comme par exemple la durabilité, la recherche de sens, d’équilibre … sont importants. Ils sont aussi beaucoup plus mobiles et ça nous oblige à nous adapter.

Est-ce que cela ne va pas aussi nous amener à plus de diversité dans le secteur des assurances ?

Maryline Serafin :En termes de diversité, c’est clair que cela a évolué. Si on regarde le secteur des assurances, il y a quand même plusieurs femmes qui occupent des postes importants, mais sans doute que ça n’a pas assez évolué.

Chez Ethias, et ce n’est pas neuf, au-delà de la mixité de genres, on encourage véritablement les équipes plurielles, où vont se côtoyer des collègues d’âge, d’origine ou de cultures différentes. Mais ce qu’il faut surtout, c’est s’entourer de gens compétents, quel que soit leur profil. Et j’ai envie de dire, si c’est une femme, tant mieux. J’ai toujours eu beaucoup de femmes dans mes équipes mais cela n’a jamais été un choix femmes contre hommes. C’est juste qu’à un moment donné, une personne compétente est là devant moi et je la prends ou pas.Aujourd’hui, il y a pas mal de femmes qui occupent des postes clés chez Ethias mais je reste sur le principe qu’il faut que cet équilibre s’améliore encore, même si la compétence doit rester un critère important.

Nous voilà arrivées à la fin de cette interview. Souhaitez-vous encore ajouter quelque chose ?

Maryline Serafin :Je voudrais juste dire que ce poste est vraiment une opportunité, un fameux challenge aussi, mais je l’aborde de manière très positive. C’est un beau défi et je vais mettre toute mon énergie pour que tout se passe bien.

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